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Droit à la déconnexion : ce que cela va changer pour les cadres

La France est le premier pays au monde à introduire le droit de couper du travail après ses horaires de bureau. Une chance estiment de nombreux éditorialistes étrangers. Mais concrètement que va changer cette loi pour les salariés ?

Deconnexion“Encore plus de raisons d’apprécier la France en ces temps de changement. La France laisse les travailleurs débrancher, et vivre leur vie”. Ce commentaire, repéré par le site Slate, on le doit à un journaliste américain du New York Times.

En Inde, Colombie, Grande-Bretagne et jusqu’en Australie la loi sur la déconnexion, effective au 1er janvier, a été commentée, certains l’élevant carrément au rang de “nouveau droit de l’homme”. Preuve que l’hyper-connexion est devenue un véritable problème de société.

Le droit à la déconnexion, beaucoup de bruit pour rien ?

Mais en quoi la loi sur la déconnexion est-elle vraiment novatrice ? L‘article L2242-8 du Code du travail exprime que les entreprises doivent agir pour assurer les “modalités du plein exercice par le salarié de son droit à la déconnexion et la mise en place par l’entreprise de dispositifs de régulation de l’utilisation des outils numériques, en vue d’assurer le respect des temps de repos et de congé ainsi que de la vie personnelle et familiale”. Or, rappelait Le Monde en septembre dernier, les juges condamnent déjà aujourd’hui les employeurs sanctionnant un salarié refusant de se connecter à sa messagerie professionnelle. Les salariés ont même droit au paiement d’heures supplémentaires si l’employeur impose une charge de travail les obligeant à ouvrir leur messagerie le soir et le week-end. Surtout, la nouvelle loi ne prévoit aucune sanction à l’égard d’un employeur ne garantissant pas la mise en place des “dispositifs de régulation des outils numériques”. Finalement, la loi porte bien son nom : les salariés ont le droit de ne pas se connecter mais rien les obligera à ne pas se connecter. Ce qui aurait pu sembler antilibéral ceci dit.

> Allo ? Allo !? Mais où sont les cadres ?

La seule chose qu’impose la loi nouvelle c’est, à défaut d’accord avec les syndicats ou en leur absence, l’élaboration d’une charte définissant les modalité du droit à la déconnexion. Une charte destinée aux salariés et au personnel d’encadrement prévoyant la mise en oeuvre d’actions de formation et de sensibilisation à un usage raisonnable des outils numériques.

3 cadres sur 10 ne décrochent jamais

Alors pourquoi les médias du monde se sont-ils emparés de cette loi ? Certainement parce que le numérique a gagné quasiment tous les pans de l’économie et concernent presque tous les salariés. Chacun peut se connecter à toutes heures du jour et de la nuit à son travail depuis son smartphone, brouillant comme jamais la frontière entre vie professionnelle et vie privée. Un flou aggravant les risques de burnout. De même, certains managers peuvent envoyer un peu trop de mails, de SMS ou passer trop de coups de fils à leurs collaborateurs après les horaires de bureau. Mais le code du travail sanctionne déjà ce type de management jugé comme “oppressant”. Dans le Figaro.fr, Jean-Noël Chaintreuil, spécialiste des RH, estime d’ailleurs qu’avec cette nouvelle loi, On se trompe de cible en montrant du doigt l’outil. Il n’est pas l’unique responsable de tous les maux des collaborateurs comme le stress au bureau, l’anxiété, ou le burnout… Ce n’est pas le smartphone qui ordonne à l’homme de consulter ses mails” mais “les managers. C’est bien eux qui poussent les salariés à consulter leurs mails à minuit, la boule au ventre”. Il y a certainement un peu de vrai mais on peut aussi imaginer que s’ils le font c’est également parce qu’ils s’y sentent obligés. D’ailleurs trois cadres sur dix ne décrochent jamais totalement du travail, selon l’Ugict-CGT.

Certainement est-ce aussi un peu de leur faute. La nouvelle loi aura au moins l’avantage de nous faire réfléchir à notre rapport quotidien avec les outils numériques. Dans certains restaurants, il est désormais demandé de laisser son téléphone dans un vide-poche pour ne pas le consulter durant le repas, au grand dam des nomophobes, ces personnes ayant une peur pathologique d’être éloignées de leur téléphone portable…

Ces entreprises qui ont devancé la loi

Certains employeurs ont déjà bien compris qu’il fallait inciter les salariés à décrocher. En 2011, Volkswagen a décidé de bloquer ses serveurs le soir et le week-end, empêchant aux salariés d’accéder à leurs mails entre 18h15 et 7 heures, 7 jours sur 7. Le “Mailess Friday Morning” a été mis en place en février 2015 par le site d’e-commerce Price Minister. Une opération que l’on peut traduire par “Vendredi matin sans mail”. Le cabinet américain Nielsen aurait de son côté souhaité interdire la fonction “répondre à tous” sur les messageries électroniques. Le groupe Areva a également conclu un accord sur la qualité de vie au travail. Parmi les mesures mises en place, l’incitation de ne pas envoyer de mails “en dehors des heures habituelles de travail” et de ne pas utiliser cet outil comme “mode exclusif d’animation managériale”. Le nombre de mails envoyés en dehors du temps de travail aurait reculé de 20 à 11%. La mairie de Saint-Sébastien-sur-Loire s’est aussi emparée du sujet. En janvier 2016, le directeur de cabinet de la municipalité imposait trois journées sans mail. Durant l’opération les agents ont reçu 75% de courriels en moins, avant un pic jamais atteint le lendemain…

S’il fallait encore une autre bonne raison de réfléchir à notre rapport au numériqueelle vient du documentaire Hyperconnectés, le cerveau en surcharge qui rappelle que “le trop-plein numérique (…) tend à diminuer les capacités cognitives”. Bref, pour ne pas mourir idiot, il faut débrancher !

Source: cadreo